| Michel GURFINKIEL | 
« Supposons que l’Autorité palestinienne demande aux Nations Unies de
 proclamer un Etat palestinien sans l’accord d’Israël…  Quelles seront 
les conséquences pratiques d’une telle initiative dans votre vie ? »  
C’est la question qu’un institut de sondage palestinien indépendant, le 
Palestinian Center for Public Opinion (PCPO), a posé aux habitants 
palestiniens de Jérusalem-Est. 
 
 
Les réponses ? 34 % seulement des personnes interrogées ont estimé 
que qu’une initiative en vue de la reconnaissance d’un Etat palestinien 
par l’Onu aurait « un effet positif » sur leur existence ; 35 % ont 
conclu à un « effet négatif » ; 27 % ont déclaré que cela n’aurait 
« pratiquement aucun effet » ; et 4 % n’avaient pas d’opinion. Au total,
 66 % des habitants arabes de Jérusalem-Est – une majorité des deux 
tiers - ont donc manifesté leurs réserves envers une telle proclamation.
 
Mais une autre question a suscité des réponses encore plus 
inattendues : « Si une solution politique impliquant la coexistence de 
deux Etats est mise en place, préferiez-vous devenir un citoyen de la 
Palestine ou un citoyen d’Israël ? » 35 % des personnes interrogées ont 
préféré Israël, 30 % la Palestine et 35 % se sont déclarées sans 
opinion.
Au total, 70 % des habitants palestiniens de Jérusalem-Est – plus des
 deux tiers - ont donc rejeté a priori l’idée d’un rattachement à la 
Palestine. Il y a lieu de penser, en outre, qu’une grande partie des 
« sans opinion » sont en réalité favorables à un rattachement à Israël, 
mais n’osent pas le dire ouvertement, même dans le cadre d’un sondage 
théoriquement anonyme. Un majorité absolue des habitants arabes de 
Jérusalem-Est seraient donc plus favorables à Israël qu’à la Palestine.
Le PCPO a mené son enquête de terrain fin 2010. Les données (tenant 
compte de réponses multiples) sont été ensuite traitées sur place par un
 autre institut, spécialisé dans l’analyse des opinions publiques du 
Moyen-Orient, Pechter Middle East Polls, et sous l’autorité d’un expert 
reconnu, David Pollock. Marge d’erreur : plus ou moins 3 %. Le rapport 
final a été publié en avril 2011, sous l’égide du Council on Foreign 
Relations (CFR) de New York. On peut difficilement faire mieux en termes
 de méthodologie et de crédibilité.
Le sondage a été actualisé au cours du printemps et de l’été 2011. Le
 15 septembre, au cours d’une réunion de presse organisée par l’Institut
 Jean-Jacques Rousseau (IJJR-JJRI) à Paris, David Pollock était en 
mesure de révéler que les nouveaux chiffres confirmaient les précédents
« Jérusalem-Est » n’existe pas en tant qu’entité administrative. Ce 
terme regroupe l’ensemble des quartiers et espaces de Jérusalem situés à
 l’est de la « ligne verte », l’ancienne ligne de cessez-le-feu 
israélo-jordanienne en vigueur de 1949 à 1967. Rattachés à la Jérusalem 
israélienne (« Jérusalem-Ouest ») en juin 1967, au lendemain de la 
guerre des Six Jours, ils se situent en fait au nord, à l’est et au sud 
de celle-ci. Leur superficie est de 64 kilomètres carrés, sur un total 
de 125 kilomètres carrés pour l’ensemble de la municipalité « unifiée » 
de Jérusalem.
Ainsi définie, Jérusalem-Est comptait 66 000 habitants en 1967, 
arabes à 98 %. En 2008, elle comptait 456 000 habitants, soit 60 % de 
l’ensemble de la population de la Ville sainte. Dont 195 000 Juifs et 
260 000 Arabes. Les habitants juifs de Jérusalem-Est se sont installés 
dans des quartiers dont ils avaient été chassés en 1948, comme la 
Vieille Ville, ou dans des quartiers nouveaux créés en général dans des 
no man’s lands d’avant 1967 ou des zones non urbanisées. Les habitants 
arabes, dont la croissance démographique a été de 300 % sous le régime 
israélien, habitaient déjà sur place avant 1967 ou ont immigré de 
Cisjordanie ou de Gaza depuis cette date.
Les habitants arabes de Jérusalem-Est peuvent obtenir la nationalité 
israélienne sur simple demande. Moins de 10 % l’avaient fait en 2008, 
mais les demandes se sont multipliées depuis cette date. Les autres 
jouissent d’un statut de résidents permanents privilégiés, qui leur 
attribue tous les droits civiques et sociaux des Israéliens.
Les réponses que les Palestiniens de Jérusalem-Est apportent à 
d’autres questions permettent de mieux cerner et comprendre leur 
attitude. Interrogés sur leur identité, ils se définissent à près de 70 %
 comme « palestiniens », « arabes » ou « jérusalmites ». Chez les 
musulmans (92 % de la population concernée), l’identité religieuse 
l’emporte légèrement : ils sont 73 % à se définir d’abord comme 
musulmans. 
Sur le régime israélien, ils donnent des réponses contradictoires, et
 donc marquées au sceau de la sincérité. Ils sont 44 % à se déclarer 
satisfaits de leur niveau de vie, 26 % à n’être « ni satisfaits, ni 
insatisfaits », 31 % à être insatisfaits. Soit au total 70 % de 
« non-insatisfaits ». Font-ils l’objet de discrimination de la part des 
Israéliens ? 56 % le pensent ; 27 % ne le pensent pas, ou guère ; 17 % 
ne savent pas. Quels sont les aspects du régime actuel qui les heurtent 
le plus ? Près de 70 % mentionnent les contrôles de sécurité et la 
barrière de sécurité. 46 % se plaignent de l’attitude « intimidatrice » 
des services de sécurité israéliens, mais 28 % disent la même chose des 
organisations palestiniennes. 
Pourquoi préfèrent-ils en définitive Israël à la Palestine ? Leurs 
raisons ne sont pas sans rapport avec les révolutions arabes actuelles :
 ils sont 86 % à redouter, s’ils sont rattachés à la Palestine, « un 
niveau plus élevé de corruption » ; et 74 % à craindre « la perte de 
leur capacité à s’informer et à s’exprimer librement ».
 
  
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