mercredi 21 août 2013

La Palestine au XIXe siècle : de Chateaubriand à Victor Guérin - par CS

Remarque préliminaire : cet article constitue une présentation de Victor Guérin et de ses écrits sur la Palestine. Un prochain article rendra compte de ses observations scientifiques dénuées de tout esprit polémique et serviront à établir l'état de la Palestine pendant le troisième quart du XIXe siècle. 

Plusieurs voyageurs ont parcouru la terre de Palestine au XIXe siècle et l'ont décrite comme une terre de désolation à peine habitée. Les témoignages de François-René de Chateaubriand (1768-1848), Alphonse de Lamartine (1790-1869) ou Mark Twain (1835-1910) sont unanimes à ce sujet. 

François-René de Chateaubriand (1768-1848)
 
Toutefois, des reproches leur ont été adressés. En particulier à Chateaubriand dont l'Itinéraire de Paris à Jérusalem, publié en 1811, a connu un retentissement important. Son livre fait de lui un précurseur du mouvement romantique pour lequel l'Orient "constitue à la fois une mine de pittoresque et une source de méditation philosophique et religieuse". Certains auteurs remettent en cause la véracité des descriptions de Chateaubriand qui aurait sacrifié une analyse objective au profit d'un récit littéraire. Pourtant, J. C. Sournia démontre dans une communication sur "La Palestine de Chateaubriand" que ce dernier dresse un tableau politique du Levant fondamentalement exact ; il réalise une "excellente étude d'économie politique pour expliquer la misère épouvantable du pays" ; il commet quelques erreurs sur la disposition des lieux et sur les distances qu'il a parcourues mais il s'agit de peccadilles liées à une contrainte de temps ; en revanche Chateaubriand ne dresse pas un tableau véridique de la situation religieuse dans la mesure où il "s'est comporté comme tant de pèlerins contemporains pour lesquels christianisme et catholicisme romain sont synonymes, les autres chrétiens ne méritant que compassion pour leur évidente erreur". Autrement dit, les écrits de Chateaubriand demeurent une source de connaissance  incontestable de la Palestine en 1806.

Malgré les explications de J. C. Sournia, quelques lecteurs conservent peut-être quelques doutes ou éprouvent quelques scrupules, ils sont habités par un malaise : ils considèrent l'Itinéraire de Paris à Jérusalem comme une oeuvre exclusivement littéraire.

Il est donc nécessaire de leur présenter le compte rendu sur la Palestine de Victor Guérin (1821-1890), universitaire français, archéologue et géographe, qui a dirigé des missions scientifiques en Afrique ainsi qu'au Proche et Moyen-Orient (cf. notice biographique sur Wikipedia ici ou notice d'autorité personne du catalogue général de la Bibliothèque Nationale de France ).

http://f-origin.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/269/files/2012/10/guerin.jpg

Victor Guérin
fut l'un des pionniers de
l'exploration systématique de la Palestine
entre 1852 et 1875

Chargé d'une mission "qui avait pour but de faire une étude attentive de la Ville-Sainte et d'y réunir les éléments d'une description détaillée de cette cité célèbre", il résume dans son rapport du 4 juin 1884 adressé à Monsieur le Ministre de l'Instruction Publique, l'ensemble de son oeuvre consacrée à la Palestine dans les termes suivants :   

" Depuis trente-deux ans déjà, la Palestine avait été l'objet de mes investigations scientifiques, et grâce à l'aide de l'Etat, j'avais publié successivement, à l'Imprimerie Nationale, en sept volumes grand in-octavo, un ouvrage intitulé : Description géographique, historique et archéologique de la Palestine (1). Cet ouvrage résumait toutes les recherches que j'avais faites à plusieurs reprises dans cette contrée, en la visitant patiemment et méthodiquement, ville par ville, village par village (2). Ensuite, j'avais publié, avec le concours de la maison Plon, deux gros volumes grand in-quarto sous le titre de : La Terre-Sainte (3). J'y avais décrit, avec de nombreuses illustrations et plusieurs cartes, non seulement la Palestine proprement dite, mais encore tous les pays qui l'avoisinent et qui étaient en rapports continuels avec elle, tels que le Liban, la Phénicie, Damas, l'Arabie Pétrée et l'Egypte. Dans le premier tome de ce second ouvrage, j'avais consacré d'assez longs développements à Jérusalem ; toutefois, j'étais loin d'avoir abordé toutes les questions qui ont trait à l'histoire et à la topographie de ce livre. (...) Mais, âgé maintenant de soixante-trois ans, et après n'avoir laissé aucun des villages de la Palestine, quelque petit qu'il fût, sans en parler avec quelques détails (2), j'ai cru que le moment était venu de ne plus différer davantage à entreprendre une description développée de Jérusalem et à couronner par ce travail, qui s'impose en quelque sorte à moi, mes ouvrages précédents. Pour cela, et avant de mettre la main à l'oeuvre, j'ai voulu revoir une dernière fois et d'une manière plus complète cette ville, que j'avais déjà visitée en 1852, 1854, 1863, 1870 et 1875."

CS

(1) Pour consulter Description géographique, historique et archéologique de la Palestine, cf. Première partie (ici) (Liban, Phénicie, Palestine occidentale et méridionale, Pétra, Sinaï et Egypte) deuxième partie (ici) (Liban, Phénicie, Palestine occidentale et méridionale, Pétra, Sinaï et Egypte) et troisième partie (ici) (Galilée) consultables et téléchargeables sur Gallica
(2) C'est nous qui soulignons
(3) Pour consulter La Terre Sainte. Son histoire - ses souvenirs - ses sites - ses monuments, cf. Edition de 1882 (ici), édition de 1884 (première partie) (ici) 

Reproduction autorisée avec mention de l'adresse et de l'auteur



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire